L’industrie de la cade dans le Var au XIXe siècle

Genévrier cade en Provence

Au cœur des paysages arides et sauvages du Var, le genévrier cade (Juniperus oxycedrus) s’épanouit, témoin vivant d’une ère industrielle presque oubliée. Au XIXe siècle, cette région méditerranéenne fut le théâtre d’une activité florissante autour du genévrier cade, dont la distillation du bois et des rameaux produisait une huile précieuse : l’huile de cade.

Ce dernier, résilient et indifférent aux caprices du climat méditerranéen, pousse jusqu’à 600 mètres d’altitude, partageant son habitat avec le pin d’Alep et se distinguant par ses fruits rougeâtres et ses feuilles aciculaires ornées de lignes vertes et blanches. Cette industrie, bien que méconnue aujourd’hui, représentait à l’époque une part significative de l’économie locale, mobilisant des villages entiers et insufflant vie aux communautés rurales du Var.

L’économie de la cade : chiffres et faits

Bien que les archives spécifiques soient rares, les estimations historiques indiquent que plusieurs centaines de tonnes de bois de genévrier cade étaient distillées annuellement dans le Var au pic de cette industrie.

Les distilleries, souvent de petites structures familiales, pouvaient produire jusqu’à 5 000 litres d’huile de cade par an, selon la capacité de production et la demande. Le prix de l’huile de cade fluctuait avec le marché mais restait relativement élevé en raison de ses propriétés uniques et de son processus de production exigeant.

Les fours à cade : témoins de l’histoire

Au cœur de cette industrie se trouvaient les fours à cade, structures massives en pierre où le bois de cade était distillé pour produire son huile précieuse. Le “Four à cade du vallon du Coutelas nr 15” à la Cadière d’Azur, ainsi que ceux du Destel, de Cuges les Pins, et de la Maison des 4 Frères, comptent parmi les plus emblématiques et les mieux conservés, témoignant du savoir-faire et de l’ingéniosité des artisans de l’époque.

Ces fours, décrits dans les travaux du docteur Porte et soutenus par le conseil général du Var, illustrent la complexité et la précision requises pour la distillation de l’huile de cade. Le processus, exigeant une maîtrise parfaite du feu et de la température, permettait d’extraire une huile aux multiples usages, vendue ensuite à Marseille, Paris, Nice, et au-delà.

L’huile de cade : usages et vertus

L’huile de cade était extrêmement prisée pour ses multiples vertus. Antiseptique et cicatrisante, elle était utilisée dans le traitement des affections cutanées chez les humains et les animaux. Les bergers du Var l’appliquaient sur les plaies des moutons pour prévenir les infections, tandis que dans les communautés rurales, elle servait à soigner l’eczéma, le psoriasis, et d’autres problèmes de peau.

En médecine vétérinaire, elle traitait notamment la gale du piétin, le claveau, et diverses dermatites, tandis qu’en cosmétologie, elle entrait dans la composition de shampoings, crèmes, et huiles de rasage.

Le “traitement externe des dermatoses” par le docteur Veyrières et R. Huerre en 1924 souligne l’importance de conserver l’huile de cade dans sa forme naturelle pour préserver ses propriétés, malgré les tentatives de désodorisation ou de dilution.

En plus de ses applications médicinales, l’huile de cade avait une importance économique dans la conservation du bois et du cuir. Les marins l’utilisaient pour imprégner les cordages et les voiles, les protégeant ainsi de l’humidité et des pourritures. Les agriculteurs en enduisaient leurs outils et leurs charrettes, prolongeant leur durée de vie.

Déclin et oubli

Toutefois, avec l’avènement de l’industrialisation et la découverte de substituts chimiques moins coûteux au début du XXe siècle, l’industrie de la cade a progressivement décliné, comme pour d’autres industries varoises à la même époque.

Les connaissances et les pratiques autour de la distillation du genévrier cade, transmises de génération en génération, ont commencé à s’évanouir, reléguant cette activité au rang des souvenirs.

Certaines initiatives permettent de remettre au goût du jour ce genévrier cade, typique et emblématique de la garrigue provençale, notamment la relance de la production de poudre de cade, en tant que répulsif anti-moustique, ou encore via nos créations utilisant l’écorce, les feuilles ou les cônes du genévrier pour la teinture naturelle.

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